Loyola XXI : Sur les pas d’Ignace à Barcelone
Loyola XXI : ensemble nous partions…
Alors que l’hiver pointait le bout de son nez et que les journées devenaient plus courtes et plus grises sur la Cité des Sacres, la douceur du soleil espagnol et le chaleureux appel des jésuites donnèrent à quelque 40 heureux saint-joséphiens la chance de quitter notre chère école pour une escapade sur les pas d’Ignace à Barcelone.
Bien plus qu’un simple voyage…
Partir en voyage… parfois, c’est aussi cela être au service. Nous qui travaillons dans un établissement jésuite, nous nous efforçons toute l’année d’élargir les horizons de nos élèves, de nourrir chez eux de grandes ambitions et de tourner leurs regards vers les autres et vers le monde. Mais comment y parvenir sans nous ressourcer et sans nous retrouver les uns les autres ?
Nous avons donc répondu à l’invitation proposée par la tutelle jésuite qui réunit tous les trois ans les personnels des établissements français dans une ville d’Europe. Sans avoir à nous soucier de laisser nos élèves démunis puisque Saint Jo a fermé ses portes durant l’absence de ses professeurs, éducateurs, personnels et membres de la direction, nous avons pu nous recentrer sur l’essentiel : être ensemble.
Je me souviens encore du voyage en train vers Barcelone, le 7 novembre 2024 : nous occupions plusieurs wagons voisins de ceux de nos homologues parisiens. Étonnement, dans leurs wagons tout était calme, alors que de notre côté du train… entre ceux qui jouaient aux cartes, ceux qui discutaient et riaient aux blagues de M. Lafaye, ceux qui, comme moi, se déplaçaient d’un rang à l’autre pour passer un peu de temps avec chacun, on aurait dit une colonie de vacances !
Et quand nous sommes arrivés à l’hôtel, à quelques minutes en métro du centre, nous avons encore bien ri, surtout quand M. Mai et M. Barthélémy, que tout oppose, ont dû cohabiter dans la même chambre !
Le premier soir, nous avons profité d’un dîner entre nous, grâce à Mme Creton qui avait réservé une taverna où l’on a pu déguster des tapas en tous genres : charcuterie ibérique, fromage, pain à la tomate, légumes grillés, tortilla, paella, le tout arrosé d’une vraie sangria.
… une découverte,
Enfin, au matin du 8 novembre, nous avons retrouvé les autres délégations dans divers ateliers à travers la ville. Sept établissements jésuites nous ont ouvert leurs portes. Pour ma part, j’ai choisi d’aller à l’Escola del Clot, dans le centre. Le directeur de l’école, entouré d’élèves volontaires et de professeurs parlant français, nous a accueilli pour une visite guidée de l’établissement. Certaines différences sautent aux yeux : les élèves sont assis sur des chaises à roulettes, elles-mêmes collées à des tables à roulettes, dans des salles vitrées plus longues que larges et bordées de gradins. Cela leur permet d’utiliser tout l’espace de la salle, d’être plus mobiles et indépendants, et de créer des îlots de travail de tailles variées. Les enseignants sont davantage là pour accompagner chaque petit groupe plutôt que dispenser un cours magistral. Les professeurs qui suivaient également la visite furent interloqués et se demandèrent comment surveiller les élèves dans ces conditions. Puis, le directeur a pris la parole dans l’amphithéâtre pour nous présenter le projet pédagogique Horitzo+ qui relie les sept établissements. Malgré quelques différences culturelles et endémiques, ce projet reprend les grands axes que nous connaissons bien : modèle ignatien, dimension sociale, ouverture internationale, esprit critique, vie spirituelle… Alors, on s’est rappelé que l’on fait tous partie de la même communauté et que notre réseau repose avant tout sur des valeurs communes que nous devons continuer à transmettre à nos élèves.
Dans l’après-midi, chacun rejoint un groupe différent en ville et profite d’une visite guidée, histoire de poursuivre notre découverte de Barcelone. Forcées par quelques incidents et erreurs de transports en commun, Mme Alix et moi avons rejoint la visite dédiée à l’architecture Gaudi. C’est ainsi que l’on s’est baladés sous un grand soleil, de parcs en ruelles et d’avenues en immeubles, admirant les façades aux décors organiques et ondulants, comme si l’architecte avait dessiné et sculpté les matériaux pour rendre un vibrant hommage à la nature. La visite a lentement guidé nos pas des décors art nouveau comme ceux de la Casa Batllo jusqu’aux pieds de la magnifique Sagrada Familia. Je garderai longtemps en mémoire ce début de soirée, lorsque nous nous sommes tranquillement installés en terrasse, un verre de sangria à la main et dominés par les nombreuses flèches de la superbe église qui nous captivait tant son architecture est mystérieuse voire illisible, mais véritablement belle et majestueuse.
… une initiation,
Ce vendredi soir, après un bon dîner, nous avons vécu l’un des moments les plus marquants du séjour : la Sagrada Familia avait été réservée pour une veillée méditative rien que pour nous ! C’est sans doute à ce moment-là que le voyage a pris tout son sens. Chacun était libre de regarder les voûtes si hautes et les vitraux floraux multicolores, où de se plonger dans une méditation guidée. Mais quand nous avons tous chanté “En todo, amar y servir”, nul doute : nous ne faisons qu’un !
Enchantés par la beauté de Barcelone et de sa basilique, et forts de notre joyeuse communauté, nous avons pris la route en car, samedi 9 novembre, pour gagner Montserrat sur les hauteurs de Barcelone. Si notre groupe est arrivé dernier ou en retard à quasiment tous les rendez-vous du séjour : aux visites guidées, au restaurant, à la veillée et méditation et plus tard à la messe, pour une fois, nous étions les premiers à gravir les routes sinueuses pour arriver au bas de l’abbaye de Montserrat. Et quel spectacle nous attendait ! La brume était tombée sur la montagne et s’était nichée au creux des falaises à tel point que le soleil clair et froid peinait à la faire se lever ! Devant nous : une mer de nuages blancs, un horizon invisible, des murs de roches immenses léchés par les volutes, et quelque part dans ce décor onirique, l’abbaye, discrète et cachée. Bientôt, alors que d’autres cars arrivaient, la brume s’est dissipée pour laisser apparaître l’impressionnante mais humble abbaye. Nous y sommes entrés pour découvrir une belle chapelle où de nombreux pèlerins viennent marcher sur les pas d’Ignace. Lui aussi a dû parcourir la nef, prier dans le cloître et méditer sur les sentiers qui grimpent dans la montagne. Petit à petit, la devise du séjour a résonné un peu plus fort en nous : “Voir toute chose nouvelle”.
Nous continuons notre journée en descendant vers Manresa où Ignace a passé plusieurs mois à prier et faire pénitence. Là, nous y avons découvert la Chapelle de la Vierge de la Guia ornée de ses somptueuses mosaïques, avant de rencontrer d’autres membres des écoles jésuites qui avaient organisé des activités ludiques et interactives autour de la pédagogie et du sens que l’on donne à nos missions auprès des jeunes. Nous avons pu nous inspirer un peu plus de la vie d’Ignace pour relire les pratiques pédagogiques propres à chacun de nos établissements français et en apprendre davantage sur ce qui se passe à Paris, Lyon, Marseille et ailleurs : dans chaque école, les membres de notre communauté s’emploient à trouver les moyens justes et efficaces d’aimer et servir les jeunes selon leurs besoins, dans l’espérance d’un bonheur plus grand.
… un rassemblement,
Après tant de découvertes, de rencontres et d’émotions, et riches d’une expérience collective précieuse, nous avons terminé la journée du samedi à Sarria, l’immense établissement du centre de Barcelone. Vraiment, l’école ressemble à un château en briques rouges, avec ses couloirs sans fin, ses tours qui ressemblent à des donjons, son amphithéâtre ancien et ses terrains de sport immenses. Le réfectoire a accueilli les XXX invités des quinze établissements français. J’ai eu le plaisir de retrouver une amie qui travaillait à Saint Joseph de Tivoli à Bordeaux. Nous avons passé la soirée à nous extasier sur le sens de notre service auprès des jeunes et la beauté de participer à quelque chose qui, véritablement, nous dépasse, un projet qui prend son sens dans cette communauté des élèves et des adultes de France, d’Espagne et du monde, qui oeuvrent de multiples façons mais d’après le seul exemple d’Ignace, dans l’espérance de rendre le monde un peu plus heureux, un peu plus beau, un peu plus en paix et uni, pour la plus grande gloire de Dieu.
Après le dîner, nous nous sommes quittés en sachant que nous allions nous retrouver le lendemain à l’église Santa Maria del Mar, autour de l’autel et dans l’unité sincère de notre prière fervente. Lors de cette messe, nous n’avons pas manqué de faire danser toute l’assemblée sur notre hymne “Illumine et enflamme” que beaucoup connaissaient. C’est sans doute l’un des souvenirs qui symbolise le plus la force de notre unité et l’importance d’être ensemble pour rayonner !
… un envoi en mission !
Avant de quitter Barcelone et de nous en retourner à la maison, nous avons eu le temps de déjeuner dans un restaurant en bord de mer et avons sauté sur l’occasion de mettre les pieds dans l’eau. Certains d’entre nous étaient plus frileux, comme M. Higel avant que je ne le tire par le bras, et qui a été suivi par beaucoup d’autres ! Dire qu’on avait les pieds dans l’eau, un 10 novembre, sous un soleil encore bien chaud…
Mais pas de place pour la nostalgie : nos coeurs étaient chargés d’une foi renouvelée qui nous fait grandir sans cesse, de la joie obtenue suite aux rencontres et aux partages, de la confiance en un projet plein de sens qui nous unit, et de l’espérance toujours plus forte que notre mission de servir nos élèves est un bonheur à vivre pleinement au quotidien !
Marie Camus, Coordinatrice des Equipes et animatrice Pastorale